Quand peut-on recourir au forfait jours pour un salarié ?
Quand peut-on recourir au forfait jours pour un salarié ? Ma convention de forfait jours est-elle valable ?
Le forfait Jours : qu’est-ce que c’est ?
Le forfait jours est un dispositif juridique permettant de décompter le temps de travail non pas en heures, mais en jours travaillés sur l'année.
Ce régime est particulièrement adapté aux cadres autonomes, dont la nature des fonctions et le degré d'autonomie justifient une telle organisation du temps de travail.
A qui s’adresse le forfait jours ?
Cadres éligibles au forfait jours
Le forfait jours s’adressent particulièrement aux cadres ayant un certain niveau de responsabilités techniques ou managériales.
Selon le code du travail, sont concernés les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés (art. L 3121-58 du code du travail).
D'autres salariés sont-ils concernés ?
Mais sont également concernés les salariés non-cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
En pratique, ces salariés cadres ou non-cadres autonomes sont définis par leur classification professionnelle.
Quelles sont les conditions de validité de la convention de forfait jours ?
Il faut qu’un accord collectif prévoit la faculté pour l’entreprise de recourir au forfait jours
La mise en place d'une convention de forfait jours doit être prévue par un accord collectif d'entreprise, d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche (art. L 3121-55 du code du travail).
Cet accord collectif détermine alors les catégories de salariés en fonction de leur classification professionnelle, avec lesquelles il pourra être conclu un forfait en jours sur l'année.
Une Convention individuelle doit être signée entre l’entreprise et le salarié
La conclusion d'une convention de forfait en jours doit nécessairement faire l'objet d'un accord écrit entre l'employeur et le salarié.
Cette convention de forfait doit être formalisée dans le cadre d'une clause du contrat de travail initial ou d'un avenant à celui-ci.
La convention de forfait est-elle toujours opposable au salarié ?
Le salarié doit être réellement autonome
Pour que la convention de forfait soit opposable au salarié, il faut que ce dernier soit réellement autonome même s’il fait partie de la catégorie de salariés éligibles selon l’accord collectif.
Il faut donc apprécier au cas par cas si le salarié dans l’exécution de ses fonctions est autonome.
La charge de travail doit être compatible avec le forfait jours
Un récapitulatif annuel des journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié doit être établi par l’entreprise (l'article D. 3171-10 du code du travail). Ce document de contrôle peut être réalisé sur tous supports et doit être à disposition de l’inspecteur du travail pendant trois ans.
De plus, la charge de travail du salarié doit être compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. Lors de l’entretien annuel avec le salarié, la charge de travail doit être abordée ainsi que l'organisation de son travail, l'articulation entre sa vie professionnelle et personnelle, ainsi que sa rémunération (C. trav. art. L 3121-65 du code du travail).
L’obligation de contrôle de l’entreprise
Le non-respect par l'employeur des mécanismes de contrôle prévus par l'accord collectif tels qu’un entretien avec le salarié, décompte, etc … (art. L 3121-64 du code du travail) peut priver d'effet la convention de forfait à l'égard du salarié (Cass. soc. 22-6-2017 n° 16-11.762 FS-PB, M. c/ Sté Crédit foncier de France).
Convention de forfait inexistante, invalide ou nulle : quelles conséquences ?
Sans accord collectif qui le prévoit, il ne peut pas y avoir de forfait jours.
Si le salarié n’est pas éligible au forfait jours, soit parce qu’il n’est pas cadre, soit parce qu’il ne dispose pas en réalité d’autonomie et d’indépendance, la convention de forfait sera invalidée par le juge en cas de contentieux.
En conséquence, le salarié est réputé travailler non pas selon un forfait jours mais à 35 heures, c’est à dire selon le droit commun.
Sous réserve d’établir ses temps de travail, le salarié pourra réclamer des heures supplémentaires s’il considère en avoir accompli au-delà de 35 heures par semaines.
L’employeur s’expose donc à une demande rappel de salaire incluant des heures supplémentaires (celles effectuées au-delà de 35 heures).
Côté salarié, il faudra alors établir l’existence de ces heures supplémentaires, c'est-à-dire les heures accomplies en dehors des horaires de travail, soit avec l'accord de l'employeur, soit parce que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.
Parallèlement, côté employeur, il faudra apporter tout élément contradictoire concernant ces heures supplémentaires.
De plus, le remboursement des jours de repos accordés en exécution de la convention de forfait pourra être réclamé au salarié, leur paiement devenant indu (Cour d'appel de Paris - Pôle 6 - Chambre 9 - 15 mars 2023 - n° 20/04825). Car un salarié en forfait jours travaille à raison de 218 jours par an (voire moins selon l’entreprise) tandis qu’un salarié à 35 heures travaille plus de 218 jours (autour de 223 jours selon les années et selon l’entreprise) : le solde peut faire l’objet d’un remboursement.
En conclusion
Le forfait jours est un régime de décompte du temps de travail dérogatoire par rapport au droit commun. Il est adapté aux cadres autonomes, sous réserve de respecter les conditions légales et conventionnelles de sa mise en place, de sa conclusion et de son application.
Les critères d'autonomie et de non-soumission à un horaire collectif sont essentiels pour déterminer l'éligibilité d'un salarié à ce régime. La situation du salarié doit être appréciée au cas par cas.
Mais le non-respect des règles de contrôle de la charge de travail et du décompte des temps de repos peuvent invalider la convention de forfait jours. Attention donc au suivi de la mise en œuvre de la convention.
FOXLO avocat – Isabelle ROUGIER
Vous accompagne pour la mise en place de la convention de forfait jours sur l’année par accord collectif et/ou convention individuelle, lors de ses modalités de suivi et en cas de litige sur sa validité et son exécution.
Les enjeux notamment financiers ne sont pas neutres et exigent une stratégie juridique précise.